«Tout ce que je sais, je l’ai appris ici»
23.02.2020 - 14:28 | Christian PossaHajra ressemblait à un diamant brut lorsqu’elle a rejoint l’école du Children’s Book Project (CBP), l’organisation partenaire de la Fondation Village d’enfants Pestalozzi. Elle disposait en effet d’un énorme potentiel, mais avait besoin d’un soutien adéquat pour déployer toute sa vigueur.

Quand Hajra dirige sa règle bleue avec le pouce et l’index sur le papier à dessin, son poignet forme un petit pont. Le crayon pointu dépose des lignes bien droites sur le papier blanc. Elle rapproche son visage de la feuille pour suivre chaque mouvement. De temps en temps, elle s’appuie contre le dossier de sa chaise afin d’observer son oeuvre à partir d’une certaine distance avant de reprendre le travail avec beaucoup de concentration. Les traits courts et longs qui apparaissent donnent peu à peu forme à des objets de la vie quotidienne d’une jeune Tanzanienne.
La vocation d’apprendre
Cette jeune fille de 13 ans vit à Chalinze avec ses parents et quatre frères et soeurs, non loin de l’école primaire Mbala. La petite localité est située sur l’axe routier principal qui mène depuis Dar es-Salaam vers l’ouest à la capitale Dodoma. Depuis cinq ans, son école primaire est intégrée dans le projet de manuels scolaires de qualité en swahili, la langue maternelle des enfants concernés. Actuellement en septième année, Hajra a accompli toute sa scolarité dans cette école. «Tout ce que je sais aujourd’hui, je l’ai appris ici», dit-elle fièrement. Mais c’est également à sa nature que Hajra doit ses bons résultats: elle est avide de connaissances et passe souvent les récréations à la bibliothèque. Très jeune déjà, elle se sentait inspirée par les «grands» qui allaient à l’école. Hajra ressentait un véritable besoin de s’instruire. «Je ne voulais pas juste aller à l’école par habitude, mais faire partie des meilleurs.»
«Je ne voulais pas aller à l’école juste par habitude, mais faire partie des meilleurs.»
Hajra – étudiante

Pendo Nyambo, sa professeure d’anglais, a décelé son potentiel et décidé de s’occuper de cette jeune fille issue d’une famille très pauvre. «J’allais souvent à la bibliothèque avec elle», se souvient-elle. C’était il y a un peu plus de trois ans. Depuis, beaucoup de choses ont changé pour Hajra: «Elle a pris confiance en elle, appris à gérer son temps et se montre très consciencieuse», se réjouit Pendo Nyambo.
Participer aux changements
Pendo Nyambo a également incité Hajra à rejoindre le club sur les droits de l’enfant de l’école. Entre-temps, ses camarades l’ont élue responsable du club, grâce notamment aux rapports francs que la fille entretient avec eux. Hajra s’intéresse déjà à des questions telles que l’égalité entre femmes et hommes. Elle rédige des textes sur ses observations au sein de sa communauté. Par exemple, sur le fait que de nombreuses filles ne peuvent pas aller à l’école parce qu’elles doivent travailler à la maison. En outre, les mariages précoces sont fréquents.
Grâce au projet financé par la Fondation Village d’enfants Pestalozzi, les manuels scolaires dans la langue locale ont permis à des dizaines de milliers d’enfants d’apprendre à lire et à écrire. Parallèlement, plus de mille enseignantes et enseignants ont suivi des ateliers dédiés aux méthodes pédagogiques participatives et centrées sur l’enfant, ainsi qu’aux droits et à la protection de l’enfance. Hajra constate que la situation s’est améliorée dans son école primaire de Chalinze et que la prise de conscience augmente, grâce notamment à différentes formes d’organisation qui permettent aux enfants d’échanger et de s’engager. «Le club sur les droits de l’enfant nous offre la possibilité de sensibiliser les parents à l’importance de l’éducation.»
«Le club sur les droits de l’enfant nous offre la possibilité de sensibiliser les parents à l’importance de l’éducation.»
Hajra – étudiante

Le quotidien scolaire comme source d’inspiration
Sur le plan personnel, l’élève de septième année constate le plus grand changement au niveau de ses capacités de lecture et d’écriture. Elle dit avoir également appris à transmettre ses connaissances à des enfants de son âge, à communiquer avec eux ou à partager quelque chose. Lors d’un concours de lecture entre plusieurs écoles du projet, Hajra s’est distinguée dans pas moins de trois catégories. La jeune fille en a surtout ressenti de la fierté pour son école: «Quand je gagne, je gagne pour l’école», dit-elle. Hajra apprécie l’environnement pédagogique de l’école primaire Mbala et aime beaucoup les institutrices et instituteurs: «Ils sont bons et s’occupent bien de leur classe». Son avenir ne fait aucun doute à ses yeux: la jeune fille de 13 ans deviendra institutrice. Pourquoi? Parce que les enseignants de son école l’ont inspirée et font en sorte que les enfants comprennent et apprennent. «Je voudrais faire la même chose.»
Hajra entoure son dessin – deux maisons orangées avec un toit bleu – de traits vigoureux. Entre le cadre et le bord, elle écrit son nom en lettres capitales, celui de l’école ainsi que le titre du dessin: «Une maison dans un bon environnement ». Quant au titre du dessin qui avait permis à Hajra de convaincre le jury du concours scolaire, il résumait encore mieux les intentions du projet: «École Inayomjali Mtoto – l’école qui s’occupe de l’enfant».