«Influencer la formation des enseignants»
03.06.2019 - 13:34 | Christian PossaBrigit Burkard est directrice des programmes Asie du Sud-Est Dans son interview, elle nous parle de l’importance des élections législatives en Thaïlande, des fruits du travail réalisé au Laos et de la persistance du conflit kachin au Myanmar.

Quelles sont les principales préoccupations de la Thaïlande aujourd’hui?
Depuis 2014, le pays est dirigé par l’armée. Les élections prévues pour la fin mars soulèvent l’espoir de voir arriver un nouveau parti au gouvernement, permettant la démocratisation du pays. En 86 ans, la Thaïlande a connu 13 putschs militaires, 29 premiers ministres et 20 constitutions. C’est la raison pour laquelle le pays n’a jusqu’ici pas réussi à établir des institutions démocratiques solides.
Dans quelle mesure ces élections ontelles un impact sur nos projets?
Un nouveau gouvernement correspond généralement à une nouvelle législation. Si le parti qui arrive au pouvoir est favorable à un système éducatif offrant les mêmes chances à chacun, un tel système sera encouragé. Si les priorités sont mises ailleurs, le financement sera limité. Les salaires des assistants éducatifs de nos projets d’enseignement bilingue basé sur la langue maternelle en sont un exemple. Dans ces cours, l’enseignant ne parle pas la même langue que les enfants et une deuxième personne est donc présente pour la traduction. Autrefois, une partie de ces salaires étaient payés par le gouvernement. Ce n’est plus le cas avec le gouvernement militaire. Des aspects financiers mettent donc en péril la durabilité des projets.
«Comme nous collaborons avec la haute école pédagogique, nous avons une influence directe sur la formation des enseignants.»
Quelles victoires d’étape atteindrons- nous en 2019?
Dans les camps de réfugiés à la frontière du Myanmar, les premiers plans d’éducation sont mis sur pied pour les premières et deuxièmes classes. Dans les écoles de notre projet de la province de Tak, de nouveaux enfants vont participer au réseau éducatif Tonkla qui s’engage en faveur des droits des enfants marginalisés, des minorités linguistiques et d’une éducation interculturelle.
Restons-en aux temps forts. Qu’en estil au Laos?
Grâce à notre collaboration avec la haute école pédagogique, nous pouvons influencer directement la formation des enseignants. Les futurs enseignants apprennent comment intégrer les connaissances indigènes dans le plan d’enseignement. Ce travail portera ces premiers fruits cette année. À l’école primaire, les institutrices et instituteurs disposent de moyens beaucoup plus efficaces pour dispenser un enseignement plus participatif et centré sur les enfants.
Quelle est la situation actuelle au Myanmar?
Le conflit kachin dans le nord du pays ne semble pas prêt de trouver une issue. Le plus triste est que, même si la guerre se terminait, de nombreuses personnes vivant dans les camps de réfugiés ne pourraient pas retourner chez elles car de vastes régions sont minées. Par ailleurs, la crise des Rohingyas n’est évidemment de loin pas réglée non plus au Myanmar, mais nous n’avons pas de projet en cours dans cette région.
Sur quoi se concentre le travail dans les camps?
Sur la formation de base et complémentaire des enseignants. Ceux-ci sont également des réfugiés et reçoivent une bonne formation. Ils apprennent aussi à gérer les traumatismes, de manière à pouvoir s’occuper des enfants et adolescents traumatisés par leur fuite. Ils peuvent ainsi leur offrir un quotidien structuré avec des jeux et de l’apprentissage