Authentique changement en toute simplicité
20.01.2020 - 09:35 | Christian PossaRemplacer la ségrégation par la communication et les préjugés par la compréhension mutuelle: neuf ans de dialogue interculturel en Moldavie et les suites à l’issue du projet.

«Quand je vois que nos enfants et nos jeunes sont heureux, actifs et enthousiastes, je me dis que ce pays a un avenir. » La femme qui s’exprime avec cette ferveur réellement communicative s’appelle Ana Climisina. La coordinatrice de projet est aujourd’hui à Chisinau, capitale de la Moldavie, afin de soutenir les élèves des écoles qui participent au projet de théâtre interculturel.
«Quand je vois que nos enfants et nos jeunes sont heureux, actifs et enthousiastes, je me dis que ce pays a un avenir.»»
Ana Climisina – coordinatrice de projet
Le regard des jeunes sur des problèmes de société
La grande salle du centre communal de la strada Bulgara ressemble à un théâtre: des gradins avec des sièges recouverts de tissu beige brun, une scène accueillant un pupitre d’orateur. Le drapeau national a fière allure sur le fond blanc – tout comme les jeunes venus des quatre coins du pays pour célébrer la diversité ethnique de leur patrie. Ils interprètent de brèves pièces de théâtre traitant de leurs problèmes dans la vie quotidienne. «Il s’agit souvent de situations rencontrées à l’école», explique Ana Climisina, qui ajoute:
«Les jeunes ont surtout envie de montrer de quelle manière la société fonctionne en Moldavie.» Ian Godonoga a déjà participé comme bénévole aux trois dernières éditions de l’événement organisé par le National Youth Council of Moldova (CNTM). Le jeune homme de 18 ans a donc l’habitude de voir les adolescents aborder des problèmes auxquels il est lui-même confronté. C’est avec émotion qu’il constate que des thèmes tels que la discrimination peuvent être abordés à travers diverses mises en scène théâtrales. «Rencontrer des gens de toutes les régions du pays qui voient ce qui ne va pas et montrent comment l’on pourrait changer les choses est très motivant», dit-il.
Partenariats pour l’avenir
La Fondation Village d’enfants Pestalozzi collabore avec le CNTM depuis neuf ans afin de donner à des enfants et des adolescents d’origines sociales et ethniques très différentes des compétences interculturelles qui les accompagneront toute leur vie. «Mais il ne suffit pas de parler avec les jeunes», souligne la coordinatrice du projet Galina Petcu, «les discriminations viennent souvent de la famille ou de l’école.»

Le projet a formé des enseignants dans le cadre d’ateliers – plus de 3500 personnes uniquement au cours des trois dernières années. Parallèlement, des manuels traitant de thèmes liés à l’interculturalité avec des exemples pratiques pour la vie scolaire, des programmes pédagogiques et des vidéos ont été produits. La collaboration avec le ministère de l’Education constitue un aspect décisif en vue d’ancrer durablement une approche interculturelle dans le système éducatif moldave.
Grâce à elle, l’éducation interculturelle a été intégrée dans les programmes d’éducation civique depuis le début de l’année 2019. Le thème fait d’ailleurs partie des priorités nationales de la Moldavie dans le cadre de sa nouvelle stratégie 2020 pour le secteur de la jeunesse. «Ce projet était une importante plateforme pour développer des réseaux locaux et nationaux avec des organisations et des personnes clés», résume Galina Petcu. À l’issue de la collaboration avec la Fondation Village d’enfants Pestalozzi fin 2019, de tels partenariats permettront d’assurer la pérennité des acquis du projet.
Un nouveau regard sur la vie
L’ambiance au centre communal est détendue. Même s’ils se produisent pour la première fois devant autant de monde, les jeunes n’expriment aucune nervosité. Ils rient, s’applaudissent et se soutiennent mutuellement. Lors des interludes chantés, les téléphones portables, balancés d’avant en arrière, clignotent dans les rangs des spectateurs: le smartphone a remplacé le briquet, mais le symbole est le même.

Tout comme Ian Godonoga, le bénévole du CNTM, plusieurs jeunes avaient déjà participé à un programme d’échange interculturel à Trogen dans le cadre du projet. Une expérience qui les a parfois transformés: «Le séjour à Trogen m’a inspiré en me montrant une vision différente de la vie», explique celui qui a aujourd’hui 18 ans. Cette approche nouvelle de l’éducation était une expérience extraordinaire à ses yeux: «Lorsque je suis rentré chez moi, je me prenais moins la tête pour ce que les gens pensaient ou disaient de moi», se réjouit-il. Ceslava Cosalic a surtout apprécié la structure non formelle de l’échange: «J’étais totalement habituée au système scolaire moldave où il s’agit surtout d’écouter l’enseignant. À Trogen, nous avions le droit de nous amuser tout en apprenant», constate-t-elle.
Même si seule une petite partie des enfants et des jeunes du projet peut prendre part à un échange en Suisse, l’effet est généralement marquant et durable. Ils repartent chez eux forts d’une incroyable motivation. La motivation de partager leurs expériences, de s’engager au sein de la société et de prendre leur avenir en main.