Le Bauhaus a 100 ans
24.07.2019 - 17:17 | Elisabeth ReispNous commémorons cette année les 100 ans du Bauhaus. Ce mouvement artistique allemand dont les formes géométriques ont révolutionné l’architecture. La Fondation Village d’enfants Pestalozzi s’associe aux commémorations pour une excellente raison: le Village d’enfants fut conçu par un célèbre architecte de ce mouvement, Hans Fischli.

«J’aime la fraîcheur de mes maisons d’Appenzell, elles portent ma signature. » Dans cette phrase, l’architecte Hans Fischli exprime son grand engagement pour le Village d’enfants, sa passion de l’architecture et son amour de la jeunesse. Mais elle révèle également une fierté sous-jacente à l’égard de sa création architecturale sur la colline au-dessus de Trogen. Cette affirmation de Fischli est d’autant plus surprenante en sachant que les maisons du Village d’enfants, construites dans le style de la région, sont sa réalisation la plus atypique. Hans Fischli est en effet un grand représentant du Bauhaus. Il s’agit d’un style architectural moderne, né dans les années 1920, et dont le côté avant-gardiste avait choqué la population de l’époque. Les toits plats, les formes cubiques et les grandes façades vitrées sont typiques du style dont on commémore les cent ans en 2019. Les architectes du Bauhaus revendiquaient avant tout des constructions rationnelles et fonctionnelles. C’est également dans cet esprit que le Village d’enfants Pestalozzi devait initialement être construit.
Le premier projet prévoyait des bâtiments de plain-pied à toit plat; ce fut pourtant Fischli lui-même qui renonça par la suite à la construction de maisons cubiques pour le Village d’enfants. Il était en effet parvenu à la conclusion que le lieu appelé à devenir un foyer pour des enfants devait posséder un caractère chaleureux. Des maisons accueillantes, protectrices, à même d’incarner pour les enfants l’aspect rassurant d’un cocon parental. Il abandonna donc ses plans initiaux modernes et décida d’intégrer la fonctionnalité du style Bauhaus dans une forme adaptée à l’environnement du canton d’Appenzell.
Bien plus qu’un hébergement
L’enfant a toujours été au centre du travail de Fischli pour le Village d’enfants. Il voulait que les orphelins de la guerre ne trouvent pas seulement un foyer dans l’environnement vallonné de l’avant-pays appenzellois, mais aussi leur paradis de la paix. Fischli fit preuve d’une extrême minutie, comme si chaque enfant défilait devant son oeil intérieur. Les futurs occupants du Village ne devaient pas seulement trouver un hébergement, mais un véritable «port d’attache», pour chacun des enfants. Ce port d’attache se composait d’un lit, d’une chaise, d’une table et d’une armoire. En plus de l’architecture, Fischli était également artiste et designer, ce qui lui permit de dessiner lui-même ces meubles. Loin d’être aléatoire, sa démarche visait à concevoir un système modulaire à même de s’intégrer dans un plan général: un module standard de 90 sur 90 centimètres servit de principe de base aux maisons destinées aux enfants.

Ne rien laisser au hasard
Les maisons elles-mêmes ne sont nullement disséminées au hasard sur la colline qui surplombe Trogen: Fischli a minutieusement analysé la topographie, l’ensoleillement et la direction des vents. Il tint en outre soigneusement compte des constructions existantes, à savoir la maison Grund, la maison Nagel et la maison Büel. La première, qui a toujours abrité l’administration du Village d’enfants, constitua le centre du projet de Fischli autour duquel il disposa les maisons des enfants, toutes agrémentées d’un séjour lumineux. Les pièces des parties jour et nuit sont tournées vers le sud.
La minutie avec laquelle il conçut les plans du Village d’enfants, mais également sa volonté d’adapter son propre style aux besoins des enfants et à l’environnement, prouvent clairement le plaisir qu’il éprouvait à faire partie intégrante de l’histoire du Village d’enfants. On en trouve de nombreuses expressions dans son «rapport». C’est pourtant précisément l’engagement de Fischli envers la région et son architecture qui lui fermèrent par la suite les portes des fameux congrès internationaux d’architecture moderne CIAM. Ses petites maisons en bois lui attirèrent souvent les railleries des collègues de l’époque.