Une demande nationale soudaine
18.06.2020 - 12:06 | Christian PossaEnseignante en Tanzanie, Sifrasi Nyakupora est devenue spécialiste des méthodes d’enseignement centrées sur l’enfant grâce à un projet de la Fondation Village d’enfants Pestalozzi. Le succès de ses méthodes s’est ébruité, si bien qu’aujourd’hui, le gouvernement de Tanzanie fait régulièrement appel à elle pour la création des programmes éducatifs du pays.

«C’est très gratifiant pour moi de travailler sur d’autres projets, car je peux ainsi contribuer à la société, en quelque sorte», explique Sifrasi Nyakupora avec enthousiasme. Souvent, l’enseignante intervient dans des écoles isolées, où l’on observe un manque de capacités pour donner une éducation adaptée aux élèves, garçons comme filles. Sifrasi Nyakupora met également ses connaissances et son expérience à disposition lors de la formation d’autres instituteurs et institutrices ou de responsables éducatifs des gouvernements locaux. À l’université de Dodoma, elle a conçu un programme de formation pour adultes dont l’objectif est d’augmenter l’alphabétisation au niveau des communes.
Au début, un simple morceau de papier
En plus de ses nombreux engagements, Sifrasi Nyakupora dispense des cours dans le district de Kongwa. Et plus précisément à l’école primaire de Viganga, près de 100 kilomètres à l’est de Dodoma, la capitale du pays. Cet engagement a vu le jour au lancement du projet «Des livres scolaires de qualité pour les enfants dans leur langue maternelle, le swahili». Comme bon nombre de ses collègues de travail, Sifrasi Nyakupora a découvert des méthodes d’apprentissage centrées sur l’enfant durant des stages de l’organisme partenaire local, Children’s Book Project Tanzania (CBP). Elle y apprend à développer des livres ainsi que des outils d’enseignement et à les intégrer aux cours, ou à organiser les bibliothèques et promouvoir les clubs de lecture. En 2015, elle a reçu le certificat «Training of Trainer», un petit document en papier laminé qui lui ouvre de nombreuses portes. «Grâce au certificat, je suis reconnue par le ministère de l’Éducation et je suis impliquée dans le développement de son programme national de formation.»
«C’est très gratifiant pour moi de travailler sur d’autres projets, car je peux ainsi contribuer à la société, en quelque sorte. »
Enseigner et apprendre activement
Puisque Sifrasi Nyakupora se déplace souvent au sein du secteur éducatif, elle assiste de près aux évolutions qu’entraîne le projet. Auparavant, selon elle, de nombreux enseignants commençaient à donner cours sans aucune préparation et sans outils pédagogiques, par exemple. Un manque de connaissances, mais surtout la certitude que le gouvernement, en tant qu’employeur puissant, continuait à leur verser régulièrement un salaire, les a fortement poussés à la passivité. « Dans le projet, j’ai pu montrer à d’autres enseignants les avantages de rendre facilement leurs cours plus attrayants à l’aide de matériaux issus de leur environnement et d’impliquer davantage les élèves.» Pour Sifrasi Nyakupora, les plus gros changements peuvent être observés chez les enfants eux-mêmes. «Grâce aux nouvelles méthodes d’enseignement, les élèves participent bien plus activement en cours. Et les outils d’enseignement éveillent leur intérêt, ce qui se traduit par des améliorations considérables dans leurs aptitudes de lecture, d’écriture et de calcul.»
«Sans ce type de programmes, les écoles et les prestations des élèves seraient bien plus mauvaises qu’elles ne le sont actuellement.»

Faire naître l’envie de lire grâce aux bibliothèques
Les bibliothèques des 45 écoles du projet constituent un élément central du projet éducatif de la Fondation Villages d’enfant Pestalozzi dans les districts de Kongwa et de Chalinze. Ces lieux sont un socle fondamental qui permet aux enfants de développer des habitudes de lecture. «Si les enfants peuvent faire l’expérience de s’asseoir et de lire dans une bibliothèque, un grand nombre d’entre eux constatent qu’ils ont le goût – voire la passion – de la lecture», souligne Suleiman Kingo, représentant du gouvernement local pour le projet. Sifrasi Nyakupora va encore plus loin: «Lorsque les enfants empruntent des livres et les lisent à la maison, l’ouvrage ramené suscite également l’intérêt des parents.» L’enseignante a donc lancé un programme permettant également aux parents d’emprunter des livres. Lors des réunions parentales, on a plus tard encouragé les lecteurs passionnés, qui sont devenus ambassadeurs de l’éducation au sein des communautés.
Même s’il reste beaucoup de travail à abattre, notamment en matière de protection de l’enfant, Sifrasi Nyakupora est convaincue que ce projet est d’une aide très précieuse pour les enseignants. Il manquait aux jeunes enseignants et enseignantes en fin de formation la plupart des compétences essentielles en termes de lecture, d’écriture et de calcul. «Et comment enseigner une matière lorsque l’on n’a pas de méthodologie?», demande- t-elle. Elle-même en a fait l’expérience. Durant les dix premières années suivant l’obtention de son diplôme, Sifrasi Nyakupora n’enseignait jamais aux cycles primaires, car elle ne s’en sentait pas capable. Le travail réalisé dans le cadre du projet lui a apporté les connaissances et la motivation nécessaires pour le faire. Désormais, une chose lui semble sûre: «Sans ce type de programmes, les écoles et les prestations des élèves seraient bien plus mauvaises qu’elles ne le sont actuellement.»