Les frictions comme source d’énergie

27.09.2019 - 16:55 | Simon Roth

Alors qu’il est question de paix, quelques tensions surgissent: il arrive que le ton monte lors des débats au Forum européen de la jeunesse Trogen. Lea, élève d’une école secondaire suisse, faisait partie des plus de 140 jeunes de neuf pays qui, cette année, étaient venus échanger sur l’avenir de l’Europe. Elle a beaucoup appris au cours de cette semaine, notamment grâce aux intenses discussions.

lea_portrat_eyft_stiftung_kinderdorf_pestalozzi
Au Forum européen de la jeunesse Trogen, Lea a décidé de contribuer à l’entente mutuelle dans le monde.

Le premier conflit ne s’était pourtant pas fait attendre longtemps: au cours de l’atelier intitulé «Eurotopia», les participants devaient dessiner les contours de l’Europe sur le sol avec des craies, sans aucun modèle qu’ils auraient pu décalquer. Le but était de les forcer à associer les connaissances que chacun possédait de l’un des neuf pays. Des visions très différentes du monde se sont affrontées lors de cet exercice, chacun ayant sa propre représentation de l’Europe. Pour Lea, il s’agissait d’une expérience totalement inédite: elle n’arrivait pas à comprendre que des gens puissent se déchirer pour une frontière. «J’aime l’harmonie», explique-t-elle. L’exercice a pourtant atteint son objectif: provoquer sciemment un conflit. Par ce biais, il a permis de lancer la discussion. Les adolescents ont échangé des arguments en vue de trouver une solution commune.

La confrontation des diverses représentations était ainsi une source de frictions, mais également d’énergie. Cette semaine au Forum européen de la jeunesse Trogen a inspiré bien des visions, notamment à Lea: elle a décidé qu’à l’avenir elle s’engagerait davantage pour l’entente mutuelle dans le monde. Et c’est bien de cela qu’il s’agissait lors de l’atelier «Eurotopia»: faire en sorte que des jeunes développent des visions et des concepts sur la manière de façonner l’avenir de l’Europe.

Plaisir et sérieux ne sont pas incompatibles

Le lendemain, les participants répartis en groupes ont élaboré leur utopie européenne. Des ciseaux, des feutres et des journaux étaient posés sur une longue table occupant le milieu de la pièce. Les participants devaient peindre, dessiner ou écrire leurs visions sur les murs de la pièce. Lea passait d’un groupe à l’autre; elle abordait des participants, écoutait ce qu’ils avaient à dire avant d’attirer un sourire sur leurs lèvres. Certains lui montraient le résultat de leur travail et lui demandaient son avis.

«J’ai tenté d’amener des personnes plutôt réservées à s’extérioriser», dit la jeune femme de 21 ans. Pour cela, elle était obligée de mettre sa propre personnalité en retrait: «J’aime bien être au centre de l’attention», reconnaît-elle. Selon elle, le fait d’écouter apporte néanmoins beaucoup, parce que chaque personne a des besoins différents dont il faut tenir compte individuellement. Lea en a tiré des enseignements sur la manière dont elle pourrait à l’avenir inciter des gens ayant des caractères différents à s’engager pour eux-mêmes et pour autrui. Louise, une jeune fille de 16 ans venue de Lettonie, décrit Lea comme une personne sympathique qui a bon coeur: «Avec elle, on pouvait rire de tout». Ce qu’elle a surtout apprécié en Lea, c’était sa capacité d’écoute et sa manière de partager les soucis des autres.

«Le FEJT est un juste mélange de convivialité et de discussions sérieuses.»

Lea – élève d’une école secondaire suisse
jugendliche_bei_zusammenarbeit_eyft19_stiftung_kinderdorf_pestalozzi
L’atelier «Eurotopia» a permis à des jeunes de neuf pays de confronter leur vision de l’avenir de l’Europe.

Lea trouve que le concept du FEJT est bon: «C’est un juste mélange de convivialité et de discussions sérieuses.» Ces dernières n’ont pas manqué tout au long de la semaine: les plus de 140 participants divisés en six groupes ont abordé des domaines thématiques étendus où il était question de démocratie, d’identité, de discrimination, de répartition des rôles entre les sexes, d’intégration et de frontières.

Personne n’est exclu

Contrairement à beaucoup d’autres participants, ce n’était pas la première fois que Lea passait une semaine avec un groupe: elle était jadis monitrice au sein de l’association de jeunesse chrétienne «Blauring». Lea est très attachée à la notion de respect entre les jeunes: «Ma devise est simple: on n’exclut personne.»

«Ma devise est simple: on n’exclut personne.»

Lea – élève d’une école secondaire suisse

Les expériences que les adolescents et les jeunes adultes ont pu réunir à Trogen lors du FEJT sont marquantes. Chacune et chacun d’entre eux déterminent ce qu’il leur en restera à l’avenir. La semaine passée au Village d’enfants sert à alimenter la réflexion. «Des adolescents de différentes régions d’Europe se rencontrent au Village d’enfants et ont l’occasion, dans le cadre d’échanges directs, d’analyser leurs problèmes et leurs défis à partir d’une autre perspective», explique Adrian Strazza, responsable du projet FEJT. Cette approche permet selon lui de générer de nouvelles solutions. Ragaillardis, les participants sont retournés dans leurs écoles respectives prêts à s’engager et à agir activement. «Le monde pourrait devenir un peu meilleur grâce à leurs apports», espère Adrian Strazza.

Lea trouve que le FEJT lui a beaucoup appris sur elle-même et sur les autres. Dans certains domaines, elle dit avoir révisé sa position et adopté une attitude plus positive. Elle pense en effet que l’on se concentre trop souvent sur les problèmes dans la vie, ce qui conduit à un sentiment d’impuissance. «Au Village d’enfants Pestalozzi, les jeunes adultes apprennent à considérer les problèmes d’une autre manière afin de proposer leurs propres solutions, ce qui donne confiance en soi», explique-t-elle.

Le rassemblement à Trogen de jeunes de neuf pays représente une opportunité unique pour les participants. «Cette diversité permet de surmonter des préjugés et de soumettre des points de vue figés à une analyse critique», constate Lea. Toutefois, cette perception n’est possible qu’à condition de gérer les conflits de manière respectueuse. Au cours de ce processus, les jeunes apprennent à exprimer leurs besoins et à se mettre à la place des autres. Il les aide également à considérer autrui comme un égal et à rechercher conjointement des solutions aux défis de leur génération.

Autres articles de Simon Roth