Quand l’homme et la machine ne font plus qu’un

14.02.2020 - 17:44 | Lina Ehlert

Comment les robots peuvent-ils aider des personnes en situation de handicap? Selon quelles bases éthiques les robots prennent-ils des décisions? Comment construit-on un robot? Une cinquantaine d’enfants ont tenté de répondre à ces questions au cours d’une «DigiWeek» au Village d’enfants. Sous la devise «Laboratoire du futur», des enfants ont expérimenté de près des systèmes d’assistance robotique pour personnes handicapées et programmé des robots danseurs.

maedchen_laeuft_mit_protese_digiweek_stiftung_kinderdorf_pestalozzi
Il leur a permis de constater que l’on peut relever des défis malgré un handicap.

Armin Köhli a perdu ses jambes dans un accident à l’âge de 15 ans. Cela ne l’a pas empêché de faire du sport de compétition: cycliste professionnel, il est également devenu un ambassadeur de PluSport, l’organisation faîtière du sport-handicap en Suisse. Pendant la semaine DigiWeek, il a montré aux enfants comment l’on vit avec un handicap et de quelle manière il se sert luimême des prothèses et des systèmes d’assistance robotique. Un parcours a été mis en place à cet effet dans la salle de gymnastique du Village d’enfants. Les enfants ont joué au basket en fauteuil roulant, effectué un slalom avec des prothèses et franchi des obstacles à l’aveugle. D’abord mal à l’aise, ils ont rapidement su relever les défis et en ont tiré des enseignements.

«Se déplacer avec une prothèse semble plus simple que cela ne l’est en réalité. Mais c’est en forgeant qu’on devient forgeron.»

Jakob – 11 ans

«En présentant aux enfants le handicap de l’intérieur, ils apprennent à l’accepter et réussissent à établir des contacts détendus avec les personnes touchées», explique Armin Köhli. Au cours de la discussion qui a suivi, les enfants l’ont mitraillé de questions: Comment as-tu perdu tes pieds? Est-ce que tu as eu très mal? À quoi pensais-tu après l’accident? Armin Köhli répondait à toutes les questions et les enfants ont écouté son histoire avec beaucoup d’attention.

Un regard vers l’avenir

Les enfants ont ensuite participé à un atelier de Cybathlon qui les mettait pour la première fois en contact avec des systèmes d’assistance robotique. Ils ont notamment découvert un «exosquelette», un système de support pour l’assistance motrice en cas de paralysie ou de faiblesse musculaire. Les mouvements peuvent être contrôlés par télécommande, par de légères impulsions musculaires ou même par la pensée. Actuellement, la technologie de l’exosquelette n’a pas encore atteint le stade où il pourrait remplacer complètement les fauteuils roulants et les prothèses, mais cela ne devrait guère tarder.

Les enfants testent personnellement l’exosquelette. Si cela n’a d’abord pas fonctionné, ils ont ensuite observé les premiers mouvements avec fascination: le bras, emballé dans son squelette robotisé, semble bouger tout seul. «On a presque l’impression d’être devenu un robot», constate Jakob.

Du bon usage de la technique

Les enfants abordent aussi des aspects éthiques liés à la robotique. Ils regardent la vidéo d’un garçon donnant un coup de pied à un chien robot. «Même si le robot ne sent rien, je trouve que ce n’est pas bien de le frapper. J’ai pitié de lui», dit Mara. La plupart des enfants l’approuvent. «La semaine DigiWeek ne devait pas seulement montrer aux enfants le potentiel des robots, mais aussi comment s’en servir judicieusement. Afin qu’à l’avenir, ils utilisent les innovations technologiques de manière responsable et réfléchie», explique la responsable du projet Lukrecija Kocmanic.

Questions brûlantes du studio d’enregistrement

Les enfants ont ensuite partagé leurs expériences grâce au studio d’enregistrement du Village d’enfants. Au cours d’un atelier, ils ont produit leur propre émission pour powerup_radio. Ils ont effectué des recherches et mené des interviews avec le soutien de l’équipe pédagogique du projet. Les enfants ont bénéficié de conseils et d’astuces pour animer une émission, mais pouvaient en choisir les thèmes eux-mêmes. Un groupe a parlé de football, de hockey sur glace et de camions géants, alors qu’un autre a relaté ses expériences au Village d’enfants et la découverte de la robotique.

maedchen_testet_distanz_zum_radio_digiweek_stiftung_kinderdorf_pestalozzi
Les enfants se préparent à leur émission.

Ils s’intéressent surtout aux questions éthiques en lien avec les robots. Qui une voiture autonome doit-elle protéger en priorité en cas d’accident? La personne assise sur le siège du conducteur, des passants? Après avoir mené une enquête en vue de l’émission, les enfants sont parvenus à la conclusion suivante: la plupart des gens protégeraient d’abord la vie d’autrui. Les programmateurs de grandes entreprises actives dans le domaine technologique doivent également se poser ces questions élémentaires. Les enfants se sont interrogés sur leurs futures chances dans le monde du travail – les robots voleront-ils leurs emplois? «Non» selon Joel, un participant. «Je pense qu’il y aura alors davantage d’emplois dans les domaines de l’informatique et de la technique. Il faut bien programmer les robots et pour cela, on a besoin de l’être humain.»

Jeunes inventeurs

Au «Laboratoire du futur», les enfants ont pu se livrer à des expérimentations et apprendre à programmer pour se faire une idée de l’informatique et de la technique. Soutenus par des enseignants de mint&pepper, ils ont construit des robots danseurs. Chaque enfant a reçu un lot de pièces détachées: lampes, haut-parleurs, batteries, roues et plaques. Kevin Schneider, le responsable du cours, leur a expliqué comment l’on fabrique une carte de circuits imprimés et utilise un fer à souder. Les enfants ont chauffé les plaques, versé l’étain de soudure et assemblé les composants. Une odeur de métal s’est répandue dans toute la classe, des nuages de fumée surplombant quelques tables. Les enfants étaient extrêmement motivés, certains d’entre eux avaient déjà de bonnes connaissances sur les robots et la manière de les construire.

junge_loetet_digiweek_stiftung_kinderdorf_pestalozzi
La phase du soudage demandait en revanche pas mal d’adresse.
Après le soudage, il s’agissait de décorer les robots et de programmer la chorégraphie. Les enfants ont pu choisir une chanson et définir les mouvements de danse du robot. À ce stade, il fallait expérimenter et faire preuve de créativité.

«La robotique est un sujet passionnant qui occupera une place de plus en plus importante à l’avenir. Nous la présentons aux enfants sous un angle ludique, afin qu’ils éprouvent du plaisir à expérimenter. Ils auront peut-être envie un jour de faire des études dans ce domaine.»

Kevin Schneider – responsable du cours de robotique
jungen_am_laptop_digiweek_stiftung_kinderdorf_pestalozzi

Le partenaire de danse du futur

La semaine s’est terminée par une grande présentation en guise d’apothéose. Les enfants ont pu mettre en spectacle ce qu’ils venaient d’apprendre. Des parents et connaissances étaient venus les acclamer dans la salle de gymnastique. Les enfants ont répété une chorégraphie sur la chanson «Happy» de Pharell Williams. Ils étaient très excités sur scène; dès les premières notes, ils ont commencé à danser en riant. À côté de chaque enfant, quelque chose clignotait et bourdonnait: leurs partenaires de danse futuristes, les robots, participaient au spectacle!

kinder_tanzen_mit_robotern_digiweek_stiftung_kinderdorf_pestalozzi
Mensch und Maschine tanzen gemeinsam am Abschlussabend.

Autres articles de Lina Ehlert